Netflix s’invite dans les cours de récréation avec la série « Squid Games »
La violence est-elle inévitable ?
Veröffentlicht am 22. Oktober 2021

Devrions-nous être surpris ? Voici une note écrite dans le cahier de texte d'un élève de la part d’une institutrice, puis partagée par un parent sur Twitter : 


Chers parents, 

De plus en plus d'élèves du CP au CM2 regardent la série " Squid Game " ; je tiens à préciser qu'elle est interdite aux moins de 16 ans. De plus en plus de jeux dangereux se déroulent dans la cour de l'école, les enfants reproduisent la série, ils distribuent des numéros, font des jeux et ceux qui perdent sont battus. Je vous demande d'être vigilants et de parler avec eux...


Dans le même temps, un chroniqueur du journal Le Monde1 rapporte que son enfant insiste sur le fait que "pratiquement tous" les enfants de CM2 âgés de 10 ans ont vu la série, ce qui suscite un questionnement sur la sécurité de Netflix. Après tout, la chaîne de streaming est comparativement "bon marché, toujours disponible et propose plusieurs langues." Pourtant, ajoute le journaliste, "les effets secondaires liés à la dépendance à cette nurse vidéo sont nombreux, et parfois surprenants." 


Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, s'est joint au concert d'inquiétudes, appelant à la vigilance face à un phénomène qui se propagerait dans les cours d'école chez des enfants théoriquement trop jeunes pour avoir vu la série.


Avec Squid Game, Netflix a prouvé quelque chose d'unique : sa capacité à diffuser une série internationale à succès sur plusieurs marchés, en surmontant les barrières linguistiques et en prenant le pouls d'un public qu'il a en quelque sorte contribué à « former ». Le géant du streaming a maîtrisé un système de diffusion particulièrement rapide et compulsif, et y a habitué des millions de personnes. 


Des heures et des heures de contenu intelligent nous parviennent sans pause publicitaire. 


La façon dont nous réagissons et regardons est importante : nous nous gavons d'épisodes, nous faisons souvent des pauses, puis nous regardons à nouveau certains programmes. Les algorithmes connectent ensuite les téléspectateurs à d'autres contenus, en fonction de leur engagement. Cette boucle de rétroaction finance ensuite la création d'émissions similaires, sur la base de ce qui fonctionne. Dans le cas de Squid Game, ce qui attire semble être, en plus d'un récit sur les difficultés financières des adultes, des thèmes brutaux liés à l'enfance et à la mort.


Pas étonnant qu'il ait trouvé sa place dans les cours d'école. Il a été conçu pour atteindre le plus grand nombre de salons possible, avec des moyens investis considérables pour y parvenir. 


Après une année 2020 spectaculaire pour Netflix, alors que les gens du monde entier restaient confinés chez eux, s’abonnant ainsi massivement à la plateforme; le nombre de nouveaux abonnés a connu une chute libre en 2021. Il fallait donc un buzz à Netflix, et Squid Game est devenu son plus gros succès, rassemblant 111 millions de téléspectateurs après son lancement le 16 septembre.


Les parents fatigués ont-ils laissé leurs enfants devant la "nounou" du streaming et oublié de surveiller ce qu'ils regardent ? 


En fait, la puissance virale de l'émission est telle qu'il n'est même pas nécessaire d'avoir un abonnement à Netflix pour s'y familiariser. Dans de nombreux cas, on rapporte (comme dans l'article du Monde) que les enfants regardent des clips sur TikTok - une usine à contenu alimentée par l'intelligence artificielle - de courtes vidéos centrées sur des scènes cinétiques et violentes interagissent avec les filtres de l'application. Comme dans le cas du modèle de Netflix, fondé sur les données, la puissance virale de ces clips conduirait à orienter davantage le même contenu vers les utilisateurs, y compris les enfants.

Avec une telle exposition, le spectacle entraîne inévitablement l’imitation, comme nous pouvons le voir avec les enfants, qui tentent de reproduire les scènes de la série au sein de leurs groupes de pairs. On le sait, l’imitation fait partie de la nature humaine, surtout chez les très jeunes.


Il ne fait aucun doute que Squid Game, dont le réalisateur/scénariste coréen Hwang Dong-hyuk a cherché à faire une "allégorie de la société capitaliste moderne", est une création intelligente : elle est implacable dans la cruauté qui se déchaîne sur des protagonistes sans défense, parfois par les mêmes personnages. Motivés par un énorme prix en espèces, les participants au jeu, qui ressemble à un camp de concentration, semblent nouer des allégeances, mais se trahissent à plusieurs reprises. 


Il ne fait également aucun doute qu'il s'agit d'une vision sombre de la nature humaine, et c’est loin d'être une vision du monde que nous devrions offrir à nos jeunes enfants. Pourtant, le scénario impitoyable a su capturer une large audience, déjà affectée par la pandémie. Si l'on admet la liberté du travail créatif, il faut se garder de normaliser les actes de violence, déjà accentués par la crise sanitaire.


Peut-être devrions-nous nous efforcer de mettre en lumière les aspects positifs de notre monde, en partageant des histoires bienveillantes avec nos enfants. En choisissant des contenus porteurs d'un certain optimisme et d’une intégrité éthique, nous pourrions commencer à enseigner aux algorithmes qui suivent nos goûts que tout ce que nous voulons consommer, ne doit pas être constitué de tant de brutalité et de négativité.



1 https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2021/10/16/parentologie-netflix-est-elle-une-bonne-baby-sitter_6098635_4497916.html

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